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*lys*
27 octobre 2010

Nathan.

Comment dire maman ? Comment dire ? La peur au ventre tout le temps la peur. L'envie d'aller pisser tout le temps au ventre avec la peur. Le silence puis rien. Le vide des roquettes et les oreilles qui sifflent de silence. Comment raconter Israel sans dire la barbarie ? Comment parler de défense sans parler d'attaque ? Comment raconter ces cauchemars qui me tiennent en éveil chaque nuit et m'arrachent au plaisir des rêves ? Comment encore croire à Saint Exupéry ? Je suis parti à la guerre avec un tatouage du Petit Prince sur le bras. Comment ne pas trouver ça ironique ? Maman. Les bonbons que tu m'envoyais je ne les mangeais pas. On ne croit plus à la douceur dans ces moments là. Maman. Les bonbons que tu m'envoyais je les donnais aux enfants arabes avant de zigouiller leurs parents. Mais console-t-on des gosses avec des carambars ? Je suis un adulte maintenant. Je suis bien plus vieux que toi. Bien plus vieux que mon père qui est parti sans rien laisser derrière. Je devrais mourir de vieillesse sur l'instant. Et tu me demandes de parler ? Tu me demandes de dire ? Maman. Comment raconter l'angoisse, la poussière, les heures tapis, la douleur du corps, la douleur de la tête ? Comment encore aimer sans frapper ? Moi j'irai dans les colonies. Et je tabasserai mes frères juifs. Moi, j'irai dans les colonies et je cracherai devant chaque palier de maison. Ils envahissent ma paix. Ils siègent sur mon rêves de démocratie. Mon utopie de démocratie. Maman, tu nous as élevé avec tendresse et intelligence. Tu nous as dit regarde cet arabe ne le méprise pas. Tu nous as dit priez si vous croyez. Tu nous a raconté des histoires où les grands de ce monde parlaient de tolérance et de fraternité. Putain de tolérance. Putain de fraternité. Là où j'étais personne n'était le frère de personne. Personne ne tolérait personne. Et j'ai failli mourir. J'ai failli vraiment. J'ai regardé autour de moi. Ma vision troublée. Le sang battant comme une pierre brûlante sur mes tempes. J'ai vu des armes les yeux rivés sur moi. Puis le feux d'artifices des balles cinglantes. J'ai senti la douleur de l'impact sur ma hanche. Tout le monde hurlait. Ca hurlait partout. J'ai croisé le regard d'Amit. Des yeux plein de poussière, de larmes et de terreur. J'ai murmuré non, et mon écho a balayé la plaine dans un nuage de sable. A moins que ce ne soit l'hélicoptère. L'espoir. On me traîne au milieu du vacarme des explosions et des cris. Je pleure. Je glisse un doigt sur ma jambe. Mais pas de sang. Pas de sang. Je fouille mes poches. La balle est logée dans mon passeport. J'ai la double nationalité. Ma vie sauvée par un passeport français. Je ris. Je ris mais mon rire a un goût de démence. Mon corps tremble os par os, dent par dent. Je ris et me demande pourquoi on nous fait subir ça. Nos ancêtres n'ont-ils pas assez souffert ? Pourquoi faut-il que je sois là dans ce costume kaki avec mes yeux bleus et mon arme vacillante ? Le coeur qui bat à m'en fêler les côtes. L'envie de vomir. La nuque raide. Comment dire maman ? Comment te dire merci de m'avoir fait naître ici. Merci vraiment.

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